Isabelle Fontaine, avec les éleveurs en difficulté « L'ASSOCIATION ACCOMPAGNE ET AIDE À ALLER DE L'AVANT »
Ex-éleveuse, Isabelle Fontaine a vécu la liquidation judiciaire. Elle est aujourd'hui médiatrice à Solidarité Paysans Basse-Normandie.
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Le contact facile, la repartie vive, Isabelle Fontaine est une femme pleine d'allant. « Il faut que ça bouge », résume-t-elle malicieusement. Pourtant, son métier n'est pas des plus faciles. Embauchée par l'association Solidarité Paysans Basse-Normandie en 2009, elle est depuis médiatrice auprès des agriculteurs en difficulté, surtout des éleveurs laitiers, dans la Manche : « De la procédure amiable au redressement judiciaire, voire à la liquidation, je les accompagne aux tribunaux. » Cela ne tient pas au hasard. « Je suis moi-même passée par là. » Un emploi qu'elle occupe à temps partiel. Elle est parallèlement formatrice en comptabilité, gestion et droit au CFPPA de Coutances.
ÉCHEC. Isabelle s'est installée en 1995 sur une ferme non familiale de 60 laitières et 60 ha dans le nord de la Manche. Son mari l'était déjà à 45 km de là sur 30 ha. « Sept ans après, nous avons tout quitté avec notre seule voiture, nos deux enfants dedans. Le cheptel, les bâtiments et le matériel que nous avions achetés venaient d'être liquidés. » Reprise d'un outil d'un niveau inférieur à ce qu'ils pensaient, frais non prévus liés à la conduite des deux sites, malchance, crise de l'ESB, etc. ont conduit à cette fin brutale.
COMPRÉHENSION. « J'ai pris des antidépresseurs, confie-t-elle. Même si je veille à ne pas projeter mon expérience sur les personnes que j'accompagne, cette période m'aide à mieux comprendre les mécanismes psychologiques qu'elles mettent en place. » Ne pas ouvrir les enveloppes de peur de regarder les factures. Ne pas prendre de décision : « C'est tellement dur que tant que l'on n'y est pas contraint, on n'en prend pas. Et quand elle est prise, le plus difficile est de l'annoncer à sa famille. On passe pour des incapables. Solidarité Paysans est là pour aider à dépasser cet état d'esprit et aller de l'avant. L'association ne décide pas à la place des personnes. »
ÉNERGIE. Isabelle ne manque pas de volonté. Pour preuve, entre 1993 et 1995, elle mène de front une grossesse, l'obtention d'un BTS ACSE et son installation. Dès les premières difficultés, ses compétences en gestion lui donnent la lucidité de contacter SOS Agriculteurs (l'actuelle Solidarité Paysans Basse-Normandie). « Ce sont souvent les femmes qui appellent. Nous faisons les courses pour la famille, payons les factures et sommes à la maison lorsque l'huissier se présente. » Le couple s'accroche, continue non sans mal, jusqu'en 2001, où elle contacte SOS Agriculteurs une deuxième fois... puis une troisième, en 2007, comme bénévole cette fois, « pour renvoyer l'ascenseur ».
ALERTE. Aujourd'hui formatrice et médiatrice, elle apprécie cette complémentarité : « Il faut arrêter d'enjoliver l'installation. Cela empêche les jeunes de prendre les bonnes décisions. Si on m'avait avertie que ça ne marcherait pas, j'aurais peut-être agi différemment. Certes, le risque zéro n'existe pas. Il faut donc prévoir une marge de sécurité minimum. » Un message qu'elle passe dans les formations.
CLAIRE HUE
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